Juridique

Le statut actuel du GATT dans le système commercial international

En 1994, le Protocole d’Accord de Marrakech rattache le GATT 1947 en annexe, tout en introduisant le GATT 1994 : deux textes distincts d’un point de vue juridique, mais dont le second puise largement dans l’esprit et la lettre du premier. Si l’Organisation mondiale du commerce s’est imposée comme l’institution de référence, certaines disputes commerciales continuent d’être tranchées à la lumière des normes du GATT 1947, portées par des clauses transitoires et des renvois précis dans les accords postérieurs.

L’édifice du commerce international aujourd’hui, c’est un empilement de règles et de structures où le GATT garde une force concrète, parfois en parallèle, parfois en appui aux textes OMC. Ce chevauchement pèse sur la manière dont les différends se règlent et sur la façon dont les États ajustent leur politique commerciale au fil du temps.

Le système commercial multilatéral : fondements et évolution

Sorti de la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, le GATT pose la première pierre du commerce international moderne. Son ambition : diminuer les barrières douanières, fluidifier les échanges, empêcher le retour des politiques protectionnistes. Dès 1947, sous la houlette d’Eric Wyndham White, quelques États signent ce qui deviendra le socle d’une gouvernance économique sans précédent.

L’ensemble tient sur des principes clairs : non-discrimination, transparence, négociation permanente. Le cycle d’Uruguay, lancé en 1986, bouleverse la donne. Huit ans de discussions aboutissent, en 1994, à la fondation de l’Organisation mondiale du commerce. Sous l’impulsion de Peter Sutherland puis Renato Ruggiero, l’OMC hérite de l’ossature du GATT, mais élargit l’horizon : services, propriété intellectuelle, nouveau mécanisme de règlement des différends.

Quelques traits marquants illustrent cette évolution :

  • Le nombre de pays membres s’envole, dépassant désormais 160 États.
  • L’Organisation internationale rassemble pratiquement toutes les économies de la planète.
  • La baisse des droits de douane reste le principe moteur, mais la surveillance couvre aussi subventions, normes et barrières non tarifaires.

À la direction aujourd’hui, Ngôzi Okonjo-Iweala pilote un système où le GATT s’est fondu dans la structure OMC sans perdre sa vigueur. Les États membres composent avec cet héritage, ajustant sans cesse leurs politiques à des textes qui se complètent ou se superposent. La marche du système multilatéral se lit dans sa capacité à accueillir de nouveaux entrants, à faire évoluer ses règles, à tenir la ligne entre ouverture et préservation des prérogatives nationales.

Quel est le rôle du GATT et de l’OMC dans la régulation des échanges mondiaux ?

Dès l’origine, le GATT fixe la règle du jeu : réduire les tarifs douaniers, interdire les discriminations, garantir la stabilité des rapports commerciaux. La clause de la nation la plus favorisée en est la pièce maîtresse : chaque avantage consenti à un membre doit l’être à tous. Ce principe, simple mais exigeant, guide la circulation des biens depuis 1947.

L’OMC reprend le flambeau, étend le périmètre et outille le contrôle. Le règlement des différends prend une dimension institutionnelle : un organe de règlement tranche les conflits à partir d’un socle normatif étoffé. Les États membres acceptent que leurs politiques commerciales soient régulièrement passées au crible. Le mécanisme d’examen des politiques commerciales met en lumière et parfois sous tension les choix des États.

Pour mieux cerner ce fonctionnement, voici quelques éléments structurants :

  • La conférence ministérielle, qui se réunit tous les deux ans, définit les grandes orientations collectives.
  • Au-delà des marchandises, les services et la propriété intellectuelle s’ajoutent au champ d’action : nouveaux enjeux, nouvelles lignes de fracture.
  • La discipline sur les subventions à l’exportation se durcit, limitant la concurrence par les aides d’État.

Le contrôle ne s’arrête plus aux biens physiques : il s’étend progressivement aux services, à la propriété intellectuelle, à la transparence des politiques nationales. Ce cadre façonne un compromis permanent : marchés ouverts, respect des engagements, arbitrages constants entre souveraineté et coopération.

Principaux accords et impacts sur le commerce international aujourd’hui

Depuis la mise en place des Accords de Marrakech, le système commercial international a pris une nouvelle dimension. Le cycle d’Uruguay a ouvert la voie à des discussions qui ne se limitent plus aux échanges de marchandises mais englobent désormais les services et la propriété intellectuelle. Sous l’impulsion du GATT puis de l’Organisation mondiale du commerce, la dynamique des négociations a transformé la carte du commerce mondial.

Cette diversification des accords influence concrètement les relations économiques. L’accord général sur le commerce des services (AGCS), l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), ainsi que les textes relatifs à l’agriculture et aux subventions, dessinent les règles pour près de 160 pays membres. Pour nombre d’économies en développement, ces dispositifs ouvrent des marchés tout en imposant des contraintes réglementaires parfois lourdes. L’équilibre reste fragile : chaque cycle de négociations, de Doha à aujourd’hui, fait émerger des oppositions entre ouverture, protection de certains secteurs et volonté de préserver une marge de manœuvre nationale.

Des institutions comme la Banque mondiale et les Nations unies accompagnent ce mouvement, soutenant les réformes et mesurant les retombées économiques des nouveaux accords sur les flux commerciaux. Les conférences organisées par l’OMC peinent à anticiper l’ensemble des défis actuels : retour des politiques industrielles, exigences écologiques, clivages entre Nord et Sud. Les équilibres se déplacent, mais c’est toujours l’articulation entre ouverture des marchés et régulation qui donne le ton.

Le commerce mondial n’a jamais été un long fleuve tranquille : il se réinvente à coups de textes et de compromis, sur un terrain où le GATT demeure un acteur discret mais incontournable. La prochaine manche s’écrira, sans doute, sous le regard des générations qui n’ont pas signé Marrakech mais héritent de ses conséquences.